Alimentation au MA, trois groupes sociaux aux régimes alimentaires contrastés


Rappelons qu'il existait alors trois groupes sociaux auxquels correspondaient trois régimes alimentaires contrastée :bellatores, oratores et laboratores
 Sur cette longue période de 1000 ans, l'alimentation des populations européennes n'a pas été immuable mais à coté des évolutions et des changements qui se sont opérés, certains comportements ou attitudes vis-à-vis de la nourriture n'ont pas varié d'un pouce. C'est le cas de cette conviction partagée du début à la fin de la période médiévale par tous les membres de la société : le style d'alimentation d'une personne doit impérativement être conforme à son statut social.Les nourritures et boissons consommées ainsi que la manière de manger doivent afficher clairement aux yeux de tous le rang social auquel on appartient.Le type d'alimentation donc devient un puissant marqueur social et un élément de distinction évident entre les différents groupes qui composent la société.Le mangeur du MA est contraint de suivre un modèle alimentaire particulier défini en fonction de son appartenance à l'un des trois ordres constituant la société médiévale.

A partir du XI ème siècle, celle-ci est conçue comme un système tripartite où se cotoient oratores (ceux qui prient),bellatores (ceux qui combattent), et laboratores (ceux qui travaillent). Ces trois groupes sont évidemment complémentaires, ainsi ceux qui prient, prient pour le salut de l'âme de leurs frères chrétiens, les guerriers (les nobles) protègent la société et les travailleurs de la terre ont pour rôle de la nourrir.Des cette époque apparait une norme élémentaire, il faut manger selon le groupe social auquel on appartient. C'est alors que les trois groupes vont se distinguer sur bien des aspects.Tout d'abord sur les quantités de nourriture consommées : le noble doit manger plus que le paysan ; le moine, lui, doit faire preuve d'une grande frugalité.Autre distinction observée, le type et la qualité des aliments ingérés : la viande est l'aliment aristocratique par excellence alors que les légumes et les légumes secs sont réservés aux pauvres.Le mode de préparation culinaire diffère aussi : les puissants privilégient le rôti et le grillé alors que le bouilli caractérise l'alimentation paysanne.

Tout écart à ces normes constituent un péché de bouche montré du doigt voire sanctionné.Chaque modèle alimentaire présente toutefois des variantes en fonction de l'activité du mangeur (travail physique intense, voyage de longue durée, intégration dans une armée en guerre....), de son âge et de son sexe.A propos des femmes, il est clairement établi qu'elles doivent manger moins que leur conjoint y comprit lorsque la nourriture manque ou en période de carème. Pareil pour le vin, la femme entraine ses congénères masculins dans des excès sexuels, il y aura donc plus d'eau pour couper son vin.


Hiérarchie dans la société = hiérarchie dans les aliments

La consommation d'épices à été aussi reconnue comme caractéristique du modèle aristocratique.La diététique a beaucoup influencé la construction de ces trois styles d'alimentation.Par exemple les médecins du MA estimaient que la chair des volailles domestiques et des volatiles sauvages était peu nourrissante. Ceci convenait donc parfaitement à l'estomac de nobles oisifs. Par contre, la chair des oiseaux avait l'avantage d'être chaude et humide, ce qui constituait une sorte d'idéal alimentaire.Ils considéraient à l'inverse que la viande de boeuf ne pouvait convenir qu'aux paysans, seuls capables d'assimiler cet aliment grossier.

Le dernier facteur pris en considération est de nature symbolique et religieuse : il relevait de la vision du monde que partageaient tous les membres de la société médiévale. Ainsi, l'univers est l'oeuvre de Dieu, qui lui a donné une organisation verticale. Les quatre éléments constitutifs de la création sont ainsi hiérarchisés du haut vers le bas : l'élément le plus valorisé est le feu ; viennent ensuite l'air (ou les cieux, séjour de Dieu et des anges), puis l'eau et enfin la terre, domaine le plus éloigné du Créateur.De cette hiérarchie découle une hiérarchie des créatures animales et végétales qui les peuplent et donc une echelle de valeur des aliments.Cette représentation appelée la grande chaîne de l'être explique pourquoi les légumes seront, tou au long du MA, méprisés par les bellatores. Ils sont en effet issus de la terre : cet élément étant le moins noble de tous, les légumes ne peuvent convenir aux personnes nobles. Ils sont donc laissésaux paysans et aux pauvres des villes qui eux peuvent se contenter de cette nourriture grossière. Le dédain est particulièrement marque vis-à-vis des bulbes (ail, oignon, échalote, poireau) et, dans une moindre mesure les racines (navet, rave, panais, carotte), végétaux dont le partie consommée est souterraine.Un peu moins mal considérés sont les légumes dont les feuilles partent de la racine (salade, épinard) ou, ce qui est mieux, de la tige (chou, pois).A l'inverse, parce qu'ils sont entièrement en contact avec l'air, les fruits et les grains de céréales bénéficient d'un statut supérieur : leur position haute les destine naturellement à être consommés par des personnes de rang élevé. En revanche, les medecins de l'époque recommandent la plus grande prudence vis-à-vis des melons et des fraises des bois qui se développent au ras du sol.A la différence des laboratores, les classes dominantes se régalent de la chair des grands oiseaux : hérons, grues, cigognes, cygnes, paons, faisans.... Associés à l'élément air et volant haut dans le ciel (donc proches de Dieu), ces créatures dominent tous les autres animaux et correspondent , de ce fait, au statut social des bellatores.


A la table des seigneurs, des moines et des paysans au Moyen-Age de Eric Birlouez aux Editions Ouest-France[i]

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